Le travail de deuil peut correspondre à cette expression « FAIRE SON DEUIL » qui est mal considérée par certains endeuillés. Et pour cause puisque le verbe « faire » indique qu’il y a un début et une fin. Cette fin est inconcevable pour eux car elle signifie qu’ils ne devraient plus penser au défunt, qu’ils vont l’oublier, qu’ils vont trahir la mémoire de leur défunt. Or c’est tout le contraire qui se produit dans le travail de deuil puisqu’une des tâches que nous aurons à accomplir sera au contraire de créer un nouveau lien avec notre défunt, il n’est pas question de l’oublier.
Le travail de deuil en plus de nous aider à apprivoiser la douleur, garantit le NON-OUBLI.
LES TÂCHES DU DEUIL
Je parle de tâches parce qu’effectivement c’est ce qu’implique le « travail » de deuil, cela ne se fera pas sans « effort », un effort plus ou moins important. C’est une bonne nouvelle, pour moi, parce que cela signifie que nous avons les cartes en main pour apprivoiser les changements imposés par le deuil. Cela relève de notre responsabilité.
Si le processus de deuil se réalise de manière inconsciente, le travail de deuil demande de la conscience dans les actions et comportements qui accompagneront le processus naturel. Ces tâches ont pour fonction principal de prendre soin de nous
Aussi bizarre soit-il alors que le deuil fait partie de la vie, qu’il en est une composante, que nous le rencontrons tout au long de notre vie, il est dans la majorité des cas passé sous silence et nous n’apprenons pas à l’école ou en famille à faire nos deuils. Or nous le savons, le temps à lui seul ne suffit pas. Ce sont toutes les petites et grandes choses qui prennent forme durant ce temps qui s’écoule, qui va permettre d’avancer sur notre chemin de deuil (parler, crier, pleurer, se raconter, s’entourer de personnes bienveillantes, exprimer, accueillir, avoir mal, accepter, s’adapter, apprendre, etc.).
LE SENS DE CE TRAVAIL
Ce chemin de deuil a un sens : continuer à vivre sans notre proche et sans l’oublier. Le deuil nous change à jamais mais on s’octroiera à nouveau le droit à une existence avec de nouvelles joies, de nouveaux partages, du plaisir retrouvé et tout cela sans avoir le sentiment de trahir la personne décédée mais au contraire avec le sentiment profond de l’honorer. Au début de notre deuil cela nous semble impossible et pourtant…
Ce travail de deuil peut se diviser en quatre tâches principales.
PREMIÈRE TÂCHE : RECONNAITRE LA RÉALITE DE LA PERTE
On ne peut malheureusement pas faire l’économie de la douleur de la perte. La seule façon de s’en libérer est de la traverser, inutile de vouloir la contourner.
Il ne s’agit pas d’accepter le décès de la personne car dans certaines situations propres à chacun, cette mort est inacceptable. Quand on perd un enfant dans des circonstances de souffrance comment peut-on accepter cette mort ?
Il s’agit en fait d’accepter la réalité de la mort. De dépasser ce mécanisme de protection qui a pris place à l’annonce du décès. Une partie de nous sait (intellectuellement) que la personne est morte mais une autre partie semble ne pas y croire, elle pense que tout redeviendra comme avant.
Cette reconnaissance peut prendre du temps notamment dans le cas de deuil traumatique.
COMMENT (S’)AIDER ?
Pour arriver à cette reconnaissance on peut par exemple, inciter respectueusement l’endeuillé à nous parler (s’il le souhaite) des circonstances de la mort. Ces confidences répétitives si tristes soient-elles, vont l’aider à intégrer au fond de lui cette mort. Ecouter sans jugement, sans vouloir l’abreuver de conseil, juste avec vos oreilles et votre cœur. Si cela est trop difficile émotionnellement pour vous ce n’est pas grave, dirigez le vers un professionnel du deuil (association, accompagnant, psychologue).
DEUXIÈME TÂCHE : EXPRIMER LES ÉMOTIONS LIÉES AU DEUIL
Dans une société allergique à la souffrance et à la mort, certains endeuillés ne s’autorisent pas à vivre leurs émotions et s’imaginent devoir être forts ! Or « tout ce qui ne s’exprime, pas s’imprime ». A vouloir ne rien ressentir, à s’imposer une attitude inhumaine avec nous-même nous nous empoisonnons peu à peu ! Oui nos émotions font partie du vivant, vouloir les étouffer c’est nier qui nous sommes et c’est surtout conserver en nous toute la souffrance de la perte. Un jour ou l’autre, il faudra payer la facture de cette fausse « force ».
ETUDE SUR L’EXPRESSION DES EMOTIONS
Laissez-moi vous parler de cette étude menée en Angleterre. Elle avait pour but de connaître l’utilité d’exprimer ses émotions au cours du deuil.
Ils ont pris deux groupes de personnes dont le deuil se déroulait difficilement. Le premier avait pour consigne de tout faire pour oublier leur perte : ne pas parler du deuil, se distraire par tous les moyens, tenir leur esprit éloigné du chagrin.
Puis le second groupe devait exprimer tout ce qu’il ressentait soit en entretien individuel, soit en groupe.
Après plusieurs semaines les participants remplir un questionnaire sur leur état général, physique et psychique. Les résultats du premier groupe furent catastrophiques et bien inférieurs à ceux du second groupe qui avait vu son état global s’amélioré tant au niveau physique que psychologique et relationnel.
Conclusion de l’expérience : « Le déroulement harmonieux du deuil passe par la reconnaissance et l’expression (au long cours) des émotions, quelle que soit la forme que prenne cette expression. »
Il est vrai que les émotions dues à une perte sont violentes, dévastatrices, envahissantes, elles sont comme un tsunami qui nous submerge, nous pompent toute notre énergie. C’est pourquoi nous aimerions tant en faire l’économie, mais vous l’avez vu ce n’est vraiment pas une bonne idée.
LA DUREE
Cette deuxième tâche n’a pas vraiment de limite dans le temps car lorsque nous sommes en deuil les émotions liées à la perte peuvent se manifester jusqu’à notre propre mort. Certes avec une intensité différente mais il est tout à fait normal d’être affecté toute sa vie. Ce n’est en rien un deuil « non résolu ». de plus il faut savoir également qu’un nouveau deuil va d’office réveiller les deuils précédents auxquels nous avons été confrontés. Ainsi la tristesse du nouveau deuil va ramener la tristesse des anciens deuils que nous croyions fini. Mais cela peut être d’une courte durée lorsque les deuils ont été travaillés.
Alors concrètement ça veut dire quoi accepter et exprimer ses émotions ?
On retrouve plusieurs émotions ou sentiments dans un deuil. Je vais vous présenter brièvement les principales.
LA TRISTESSE
- Tout d’abord ça signifie que l’on reconnaît que c’est normal d’avoir cette émotion qui nous ressentons.
- Ensuite il s’agit de nommer cette émotion et de voir quelles sont les manifestations physiques qui y sont associées : « là je suis très triste, je suis anéantie par la tristesse. Je pleure, j’ai une boule dans la gorge, j’ai mal la tête, la poitrine serrée, j’ai plus d’énergie… ».
- Puis d’écouter le message que cette émotion nous envoie. En effet une émotion est un peu comme le messager de notre corps, de notre esprit. C’est la façon dont notre cerveau communique avec nous pour nous informer que quelque chose ne va pas. Ainsi dans le cas de la tristesse ressentie pendant le deuil, le message qui est derrière est : « Prends soin de toi et de ton corps, tu as besoin de réconfort et d’attention bienveillante, tu connais une perte ».
- Et enfin répondre à ce message par une action, par exemple : demander d’être serré dans les bras; se blottir sous un plaid bien chaud; être bercé et réconforté; prendre un bain chaud … à chacun sa réponse au message.
Chaque émotion a son message. Chaque émotion a sa raison d’être. Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises émotions, elles sont toutes importantes. Elles demandent beaucoup d’énergie pour s’exprimer alors que nous nous sentons déjà très fatigué. Mais c’est le bon chemin, n’en doutez pas. Toutes ces émotions envahissantes ne peuvent pas nous détruire. Car notre corps est doté de mécanismes de protection psychiques conscientes et inconscientes, qui nous protègent des émotions ingérables
LA COLERE
Il n’y a rien de malsain à exprimer nos émotions y compris celles moins bien acceptées par la société (à tort) telle que la colère. Elle est souvent le reflet de la tristesse. Les personnes qui ne veulent pas exposer leur tristesse de peur de paraître faible ou de peiner les autres, vont avoir de la colère en eux. Il est important là aussi qu’elle soit acceptée, exprimée et écoutée.
Il peut y avoir de la colère par rapport aux autres: au destin, contre Dieu, on blâme le corps médical, les conditions routières … nous cherchons un coupable pour atténuer notre douleur et nous sommes en colère contre lui et l’injustice que nous subissons. Nous oublions que l’être humain a une finitude et qu’il n’est écrit nulle part à notre naissance que nous devons mourir vieux, en bonne santé confortablement installé dans notre lit. C’est en ayant une conscience accrue de cette finitude imprévisible et inévitable que nous accordons une autre saveur à la vie.
Par contre, il est plus délicat d’exprimer notre colère envers notre défunt que nous aimons. Et pourtant elle est souvent présente. Nous lui en « voulons » de nous avoir abandonné ou de ne pas avoir pris soin de lui, de ne pas avoir été suffisamment prudent… Dans ce cas nous aurons tendance à diriger notre agressivité vers ceux qui nous entourent, ou contre nous-même sans comprendre pourquoi. Là aussi il est important de pouvoir l’exprimer.
LA CULPABILITE
Après la tristesse, la colère, la peur de l’abandon nous retrouvons la culpabilité. C’est une émotion courante dans le deuil. Il peut y avoir différentes sortes de culpabilité. Le psychologue Jean Montbourquette distingue trois types de culpabilité :
- La culpabilité dite saine qui survient suite à une réalité objective. L’endeuillé reconnaît un ou des manquements à ses devoirs envers le défunt.
- La culpabilité dite obsessionnelle, est malsaine car elle est répétitive, elle cache souvent beaucoup de colère non exprimée envers le défunt.
- La culpabilité dite existentielle que ressent une personne qui aime d’un amour démesuré et pense avoir failli à sa tâche qui était de le préserver de la mort.
COMMENT (S’)AIDER ?
Se demander ce qu’on ressent dans son cœur, dans son corps, dans sa tête. L’exprimer verbalement à son entourage, si c’est possible, ou à des professionnels du deuil (associations, accompagnant, psychologue). Il est possible aussi de l’écrire. Nommer l’émotion et répondre à son message. Utiliser les « bons pour » qui se trouvent gratuitement sur ce site pour solliciter une écoute bienveillante autour de vous.
LE BAL DES EMOTIONS
Attention il ne faut pas croire que l’émotion une fois exprimée ne reviendra plus, ce n’est malheureusement pas le cas. Elle frappera encore et encore. Il faudra de nouveau raconter, s’exprimer, commenter ces émotions, ces pensées et ces images qui nous envahissent. Nous pouvons avoir l’impression que nous ne nous en sortirons jamais. Pourtant, inévitablement le processus de cicatrisation s’opèrera avec ces bonnes conditions d’expression. L’émotion deviendra moins forte, moins fréquente, moins surprenante, moins envahissante.
PAS A PAS
On avance pas à pas, ayons confiance dans le processus de deuil renforcé par le travail de deuil. Ils œuvrent à l’amélioration de notre équilibre intérieur et à la construction d’un nouveau lien apaisé avec notre défunt.
TROISIÈME TÂCHE : LA CRÉATION D’UN NOUVEAU LIEN AVEC NOTRE DÉFUNT
« Le deuil n’est pas un travail d’oubli mais un travail de mémoire ».
Lorsque la personne aimée était encore vivante nous avions avec elle un lien d’attachement. Nous pouvions, la voir, la toucher, l’écouter, lui parler, la sentir, l’aimer, partager avec elle… Mais lorsqu’elle s’éloignait de nous, ce lien ne disparaissait pas pour autant. Nous continuions de penser à elle, de l’aimer, de faire des choses pour elle, pour nous… C’est ce lien qui après sa mort va persister et se transformer, nous allons le faire vivre sainement. J’entends par sainement que ce nouveau lien ne doit pas faire obstacle au bon déroulement de notre quotidien. Il ne doit pas être l’objectif principal de nos journées.
Chaque deuil est unique, chaque endeuillé est unique, chaque défunt est unique est chaque lien est unique !
Chacun fera vivre à sa façon ce lien avec son défunt. Il pourra penser sainement à lui, en lui rendant hommage et en se connectant à leurs souvenirs.
COMMENT (S’)AIDER ?
Ce nouveau lien peut prendre de nombreuses formes : allumer une bougie près de sa photo; s’installer dans son fauteuil pour lire un livre; porter son pull pour aller faire une balade en forêt; planter un arbre en son nom; lui écrire dans un cahier; lui parler; écouter sa chanson préférée; lui composer une chanson; déposer des fleurs au cimetière; reprendre son jardin; cuisiner les plats qu’il concoctait avec passion; créer un blog à sa mémoire; créer une association à sa mémoire; écrire un livre… etc.
MAMY FLORA
Personnellement je suis restée en lien avec ma Mamy Flora notamment par le biais des fleurs. Chaque année dans mon jardin je vois fleurir des fleurs qui se trouvaient auparavant dans son jardin. Quand j’admire leur forme, leur couleur, leur odeur je repense aux bons moments passés avec elle. Nous nous asseyions sur les escaliers extérieurs et nous parlions des fleurs, du soleil et de la vie qui était belle. Au milieu de mes fleurs je me sens bien, je suis en connexion avec elle et je ressens son amour. Je comprends toute la chance de l’avoir connu.
LES RITUELS
Toutes ces actions pourront être faites sous forme de rituels. On sait que « le rituel a pour fonction d’aider à la transition entre un hier, où on partageait le quotidien du défunt et un demain où il faudra vivre sans lui ». Ce rituel doit être considéré comme un passeur, il ne doit pas être une fin en soi. Il ne faut pas vivre pour le rituel.
La finalité de cette troisième tâche est également d’être apaisé avec la relation intérieure qu’on entretient désormais avec la personne décédée. La personne que nous aimons est à jamais dans notre cœur et sans culpabiliser nos rituels peuvent s’espacer. Nous pouvons reconnaître ses qualités mais aussi ses défauts. Toutes nos pensées ne sont plus tournées exclusivement vers elle. Nous nous autorisons à recevoir de la tendresse et de l’affection d’autres personnes.
QUATRIÈME TÂCHE : RÉINVESTIR LE MONDE EXTÉRIEUR
On parle souvent de trouver un sens. Il ne s’agit pas de trouver du sens dans la mort (même si c’est possible) mais plutôt de trouver du sens à ce que nous sommes devenus à cause de la mort, « d’avoir le sentiment d’appartenir au monde et d’y avoir une place légitime ».
Cette tâche prend racine dans la troisième tâche, elles vont de pair. Elle est vitale. Elle permet de répondre à nos besoins en tant qu’être humain tel que le besoin de partage, de communication avec autrui. Mais aussi de répondre à nos désirs qui peu à peu vont réapparaître.
C’est petit pas par petit pas que nous réinvestissons le monde, que nous faisons des choses gratifiantes pour nous. Le travail de deuil est lent il ne faut pas vouloir brûler les étapes. C’est dans le cumul de tous ces petits pas, qui peuvent paraître anodins, que se trouve la voie du rétablissement.
LA RECONNEXION AUX AUTRES
Lorsque nous sommes en deuil nous avons plus de difficultés à nous reconnecter aux autres, c’est tout à fait normal. Inconsciemment ou consciemment nous leur adressons de multiples reproches : « ils sont maladroits dans leur propos, dans leur façon de vouloir nous aider. Ils ne comprennent rien à ce que l’on vit. Mais comment peuvent-il faire comme si de rien n’était ? Comment peuvent-ils nous montrer leurs photos de vacances ? etc »
Il est préférable dans un premier temps de se rapprocher du monde extérieur lentement et d’éviter par exemple une grande soirée de fête où nous nous sentirons tellement seul, abandonné et incompris au milieu de la joie des autres.
COMMENT (S’)AIDER ?
Tenter de retourner à la terrasse d’un café; retrouver ses activités passées abandonnées; retourner au cinéma; aller au restaurant avec des amis… Sans se forcer surtout s’il n’y a aucun bénéfice derrière. En alternant des moments où l’on est seul avec soi-même et des moments avec les autres. Utiliser les « bons pour » qui se trouvent gratuitement sur ce site pour proposer son aide ou demander de l’aide.
Pour certaines personnes après quelques mois ou quelques années nous pouvons même nous risquer à parler de gains, de choses nouvelles en soi, acquises grâce … ou à cause du processus de deuil et du travail de deuil. C’est ce que j’appelle le cadeau dissimulé.
MON CADEAU
Après les deuils que j’ai vécus mon cadeau a été de donner un nouveau sens à ma vie et de sentir au plus profond de moi que mes douleurs n’avaient pas été vaines. Elles m’ont permis de créer de la beauté en redonnant le sourire, l’espoir, en accompagnant les endeuillés dans leur travail de deuil. Et ce cadeau est énorme pour moi, c’est le plus beau !
On constate que sur ce chemin intérieur où nous travaillons notre deuil, nous connaissons une modification de notre personnalité. Nous nous trouvons plus ouvert, plus empathique, plus intelligent émotionnellement « avec l’acquisition d’une maturité psychologique permettant une meilleure appréhension de la vie, une meilleur compréhension de ce que les autres vivent ».
En accueillant ces changements nous rendons hommages à notre défunt qui ne souhaite qu’une chose notre bonheur.
Si vous êtes actuellement en deuil, j’espère que ces premières pistes pourront vous aider. N’hésitez pas à me contacter pour de plus amples renseignements, je vous répondrai avec plaisir.
Prenez soin de vous, de votre corps, de votre cœur, de votre esprit !
Soyez indulgents avec vous et si vous avez besoin d’aide pour effectuer votre travail de deuil, contactez-moi. Je vous accompagnerai avec joie, car vous en avez aussi besoin !